C’est un engin blanc de 12 mètres de long, affichant le nom de la jeune startup qui l’a créée : « HyLight ». Josef Rokusek, est l’un des membres responsables de l’engin qui fend le ciel à douce allure pour récolter l'or noir du XXIe siècle : la data. Avec ses amis et cofondateurs, il veut révolutionner la récolte de données par les airs avec des dirigeables, un moyen de locomotion aérien presque oublié, mais qui pourrait s’avérer être une solution de remplacement pour les vols d’inspections des grandes infrastructures en hélicoptères. La jeune pousse, qui a bénéficié de l’expertise de l’accélérateur de l’université de Californie à Berkeley, s’apprête à prouver son concept, dans l’inspection de lignes électriques et de pipelines. Josef Rokusek est le CTO(1) de HyLight.
Il est plutôt rare de voir des dirigeables se déplacer dans le ciel de nos jours. Pour vous, c’est une technologie qui mérite d’être réintroduite. Pour quelles raisons ?Les premiers dirigeables sont apparus au début du 20e siècle. Pour résumer à l’époque, il y avait deux grandes familles : les dirigeables allemands et les dirigeables américains. Les premiers ne disposaient pas d’hélium, qui est un gaz très léger mais très rare. Alors, les Allemands ont fabriqué des ballons à hydrogène. L’histoire de ces engins s’est rapidement arrêtée en raison de l’accident d’Hindenburg, en 1937, où un dirigeable s’était enflammé au-dessus de son point d’atterrissage. Aujourd’hui, il y a encore quelques Zepellin qui volent en Suisse, seulement à destination des touristes. Pour nous, le dirigeable n’a pas encore dit son dernier mot, car il a plusieurs aspects techniques très positifs. Premièrement, il tient en l’air sans aucune énergie, en utilisant la Poussée d’Archimède. Il n’a besoin d’énergie que pour lutter contre le vent, contre lequel il a une grande résistance. Ensuite, c’est un engin tout à fait applicable à des vols longs et lents, ce qui est tout indiqué pour la prise de photos de bonne qualité en vol. Il y a encore des enjeux techniques à résoudre, mais les quatre prototypes et les deux versions de « produit minimum viable(2) » (MVP) que nous avons fabriqués sont prometteurs.
Vous souhaitez donc mettre des ballons dirigeables au service d’une imagerie aérienne plus légère en impact carbone. Le besoin est-il réel ?Le survol de villes ou d’infrastructures est très fréquent. Par exemple, les lignes électriques ou de gaz sont surveillées par prises de vues, souvent réalisées par hélicoptère. Certaines entreprises ont tenté de remplacer ces vols par des drones d’ailleurs très efficaces pour faire du vol stabilisé et du surplace. Seulement, ces appareils sont gourmands en énergie et ne peuvent voler qu’une dizaine de minutes. Il se trouve que cette idée d’utiliser un dirigeable pour récolter de la data a déjà été tentée : RTE avait aussi lancé un projet de dirigeable-drone(3) pour inspecter ses lignes à haute tension, mais il était très gros pour le seul objectif de prendre des images. Les prototypes que l’on a développés ont été pensés pour rentrer dans un conteneur et sont capables d’accéder à presque autant de zones que le ferait à la fois un drone et un hélicoptère. Nous visons une dizaine de kilos de charge utile et nous projetons de pouvoir faire 300 kilomètres dans la journée, avec une enveloppe entièrement gonflée à l’hydrogène.
La startup HyHight a déjà réalisé des vols tests pour leurs premiers clients.
Vous êtes le CTO de HyLight. Avec quatre prototypes fabriqués, vous devez désormais avoir une vision précise des enjeux techniques de votre dirigeable idéal. Quels sont-ils ?
Il existe trois types de dirigeables : les toiles rigides, les semi-rigides et les « blimp » dont la structure est maintenue par le gonflement de la toile. Nos prototypes sont de la dernière catégorie : l’intégrité de la structure de la toile est due au gaz qui l’emplit. La difficulté première, c’est que les blimp se compressent et se dilatent en fonction de l’altitude à laquelle ils volent. La gestion du poids est un des premiers enjeux à résoudre. Pour l’instant, pour des questions de sécurité, nous volons à l’hélium, mais la deuxième ambition technique sera de remplacer l’hélium par de l’hydrogène comme gaz de sustentation et comme gaz de propulsion. Concrètement, l’hydrogène devra porter l’appareil, tout en alimentant des moteurs avec une pile à combustible pour assurer ses déplacements. Nous misons sur de nouveaux matériaux qui sont très résistants et capables de stocker de la matière avec l’idée de pouvoir développer différents appareils et couvrir des missions diverses.
Quels types de missions pourront couvrir vos dirigeables ? Et quid de la régulation aérienne, pour certaines ?
La régulation et l’évaluation du risque sont peut-être la plus grande partie du travail ! Nous allons suivre la méthode SORA(4) qui s’applique aux opérations de drones. Elle permet d’analyser le niveau de risque et de définir des mesures de sécurité. Mais je suis confiant sur les avantages du dirigeable à réduire les risques : c’est un engin très visible et s’il était amené à tomber, sa résistance à l’air et son poids léger le guideraient très lentement sur le sol. Concernant les types de missions que nos ballons pourront remplir, cela peut aller au-delà de l’inspection de lignes ou d’infrastructures sécurisées. Je pense par exemple à la détection de feu de forêts, à la surveillance des animaux menacés par le braconnage ou au comptage d’espèces végétales par exemple. Les possibilités sont infinies et c’est ce qui nous motive à vouloir aller plus loin. Nous espérons d’ailleurs que nos ballons dirigeables sauront convaincre, car nous allons lancer une levée de fonds très prochainement. Cap sur le futur !
L’équipe de HyLight, dans l’ordre : Louis (doctorant et stagiaire), Théo (CEO), Josef (CTO),Robinson (stagiaire et futur collaborateur), Thomas (CBO), Martin (COO).
(1) Chief Technical Officer
(2) Dans le cadre de la conception d’un produit, le « produit minimum viable » ou Minimum Viable Product (MVP) est la version d’un produit, dédiée au retours clients. Par extension, c’est une stratégie utilisée pour fabriquer, tester et mettre sur le marché ce produit.
(4) « Specific Operation Risk Assessment »