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Détecter le mildiou grâce à l'intelligence artificielle

C’est un champignon capable de décimer des hectares de récoltes, le pire cauchemar des jardiniers et des agriculteurs. Après les pluies de printemps, le mildiou se manifeste par des taches brunes huileuses et de la moisissure blanche sur les feuilles et les fruits de ses hôtes, jusqu’à causer leur perte. Si les stratégies de lutte contre le mildiou reposent aujourd’hui principalement sur l’utilisation curative de fongicides chimiques, ces méthodes sont de plus en plus stigmatisées en raison de leur persistance dans l’environnement et de leur toxicité pour les organismes non-ciblés. La détection précoce des épidémies de mildiou au début du printemps permettrait d’en limiter l’usage.


Au sein du laboratoire BF2i, c’est à travers une poignée de pixels que l’équipe de Pedro Da Silva a réussi à détecter le mildiou de la vigne deux jours avant l’apparition des symptômes. Grâce à un outil d’imagerie hyperspectrale couplé d’une intelligence artificielle, les résultats obtenus ouvrent ainsi de nombreuses perspectives en matière de réduction d’usage de pesticides. 


 

L’apparition de la maladie : des symptômes difficiles à détecter

Le mildiou, comme bon nombre de maladies fongiques, est sournois. Ses spores, totalement invisibles, peuvent avoir contaminé un seul pied de vigne, qu’un simple épisode pluvieux est suffisant pour infecter les plants alentours. Les jours suivant l'infection, les feuilles présentent des tâches huileuses, de la moisissure blanche et un flétrissement notoire. « C’est une maladie qui se traite avec des fongicides biologiques ou de synthèse dès l’apparition des premiers symptômes, souvent sporadiques. Généralement, lorsque le viticulteur note des points faibles sur son vignoble, il doit traiter toute la parcelle pour être débarrassé de toutes les spores. Détecter cette maladie précocement permettrait de réaliser des traitements ciblés. Sur un principe de dépister – tracer – isoler, les agriculteurs pourraient anticiper les attaques et, en intervenant à petite échelle, limiter l’usage de fongicides », introduit Pedro Da Silva, enseignant-chercheur et directeur adjoint du BF2i. 


Déceler les signes de la maladie à travers l’image

Dans une des salles d’expérimentation du laboratoire, des boîtes de pétri renferment l’agent néfaste : le Plasmopara viticola. Durant neuf jours après l’inoculation, les chercheurs du BF2i observent la façon dont l’oomycète se répand sur les feuilles de Cabernet Sauvignon. « En développant un outil à façon et grâce à une technique de spectrométrie, nos études en laboratoire ont décelé la maladie deux jours avant l’apparition des symptômes. » Dans une chambre noire, la caméra hyperspectrale scrute les feuilles contaminées sur un plateau mobile. « On enregistre chaque image en trois dimensions : deux dimensions spatiales, comme pour une photographie, plus une dimension spectrale, c'est-à-dire la lumière réfléchie par la feuille. Le spectre mesuré est composé de différentes longueurs d’ondes jusqu’à 1100 nanomètres, ce qui correspond à un rayonnement infrarouge invisible à l'œil nu. Ensuite, on découpe l'image en plusieurs zones, qui sont ultérieurement classifiées par l'intelligence artificielle comme appartenant à une feuille saine ou à une feuille infectée par le mildiou. Ainsi, grâce à cet outil de détection automatique, nous sommes parvenus à localiser et à quantifier le mildiou sur les feuilles de vigne avec une précision de 99 %. Cela ouvre une belle perspective de développement de nouveaux outils d’aide à la décision pour la réduction des traitements antifongiques dans le secteur viticole », ajoute Pedro Da Silva.

 

Illustration de la distribution spatiale de la souche de mildiou INRA-Pv45 sur une feuille de vigne de 1 à 9 jours post-inoculation (jpi), détectée automatiquement par le modèle d'intelligence artificielle. Les zones positives de mildiou sont représentées en rouge. (Crédits : BF2i)

 

Une technique de laboratoire pas encore démontrée en champ 

Pour le moment, aucune expérimentation en champ agricole n’a pu être réalisée. Le responsable de l’équipe « InEn », « Insect Engineering », est prudent lorsqu’il s’agit d’envisager l’extrapolation de la technique développée au sein du laboratoire. Si l’équipe continue de consolider ce travail sur d’autres vecteurs de maladie, elle fait encore face à certaines difficultés pour rendre applicable ce procédé de détection à grande échelle. « Notre outil fonctionne en environnement contrôlé, mais n’est, pour le moment, pas déclinable en champ pour des questions de dimensionnement. La caméra hyperspectrale produit des images très lourdes et il faudrait adapter la méthodologie actuelle pour traiter ces volumes de données considérables en temps réel, d’autant plus que, dans le cas du mildiou, il faut aller très vite entre le moment de la détection et le traitement. Cependant, les résultats que nous avons obtenus ouvrent le champ des possibles en matière de protection des cultures viticoles », conclut Pedro Da Silva.



 

(1) Biologie fonctionnelle, insectes et interactions (INSA Lyon/INRAE/UdL)[2] Lacotte, V.; Peignier, S.; Raynal, M.; Demeaux, I.; Delmotte, F.; da Silva, P. Spatial–Spectral Analysis of Hyperspectral Images Reveals Early Detection of Downy Mildew on Grapevine Leaves. Int. J. Mol. Sci. 2022, 23, 10012. 

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