Après un début de carrière passé dans le domaine de l’analyse ADN au service du laboratoire de police scientifique de Lyon, Benoît Tonson a mis les voiles et changé de cap. Désormais, chef de rubrique « sciences » pour le site The Conversation France, il continue d’honorer une responsabilité commune aux deux métiers : faciliter l’accès au savoir scientifique, au plus grand nombre. Il explique.
Le média pour lequel vous travaillez actuellement met en lien chercheurs et journalistes, avec l’ambition de pouvoir rendre le savoir accessible à tous. Comment définiriez-vous votre rôle de « journaliste-vulgarisateur » ?
C’est une fonction légèrement différente du journalisme scientifique car il s’agit ici de se positionner en tant que facilitateur : mon rôle est d’aider le chercheur, qui a l’habitude des articles scientifiques, à toucher le cœur d’un lectorat profane à travers un article de presse. Au sein de The Conversation France, mon rôle consiste en ce que l’on appelle communément de « l’édition », c’est-à-dire que je tente de vulgariser au maximum les propos ou les notions qui pourraient être difficiles d’accès pour un public qui n’a pas la connaissance scientifique du domaine en question. Parfois, les chercheurs le font très naturellement et en y pensant, c’est aussi une qualité qui m’a servi dans ma première vie d’ingénieur : faire comprendre les dimensions techniques d’un projet au sein d’une entreprise est absolument essentiel, surtout lorsqu’il vous faut convaincre un financeur !
La vulgarisation scientifique est-elle capable de retranscrire l’intention du chercheur assez justement ? N’est-ce pas un procédé de simplification qui peut s’avérer dommageable pour la vérité scientifique ?
Je crois que cela dépend du sujet, où parfois, il est nécessaire que le lecteur dispose d’un certain niveau de connaissances pour sa compréhension. En effet, il n’est pas toujours possible d’étayer les explications dans un article de deux pages et cela peut parfois freiner les esprits scientifiques. Mais attention « simplifié » ne veut pas dire « simpliste » ! Il est nécessaire de rappeler l’intérêt de la vulgarisation, qui est de mettre à disposition une connaissance en particulier, et non pas l’entièreté des recherches. Il s’agit de trouver le bon équilibre, et effectivement il peut être frustrant de ne voir valorisée qu’une petite goutte dans l’océan que représentent des années de recherche, mais l’écriture et la pédagogie imposent de faire des choix. La démocratisation des savoirs auprès du grand public est d’ailleurs une activité qui est assez peu valorisée dans la carrière des chercheurs, ce qui à mon sens est tout à fait dommageable, notamment lorsqu’il s’agit de recherche publique. Que l’article mette en avant la démarche scientifique ou les résultats, il s’agit toujours d’une belle occasion de faire comprendre, à un lectorat novice (ou pas), ce qu’il se passe dans un laboratoire et de casser cette image de chercheur mystérieux.
En parlant de mystère, la crise sanitaire a été le théâtre d’une mauvaise compréhension entre la communauté scientifique et la société civile. Est-ce exagéré de considérer l’accès au savoir par la vulgarisation scientifique comme d’intérêt général ?
Depuis un an, il ne passe pas une journée sans qu’un média généraliste s’attarde sur un sujet « sciences et santé » et la crise sanitaire a mis en lumière la méconnaissance du monde de la recherche par la société civile. Ces derniers mois ont démontré tout l’intérêt de faire comprendre la science, car il y a eu énormément d’incompréhensions sur la façon dont on « fait de la recherche ». Le principe de controverse scientifique a rapidement pris des airs de débats politiques polarisés, là où la société civile aurait normalement dû faire confiance et attendre le consensus scientifique. La recherche n’est pas la science, c’est un processus « en train de se faire » et qui a besoin de temps. Je crois que c’est ce que cette séquence médiatique a démontré : qu’il était difficile pour la société civile d’accepter le doute que sous-tend la recherche, qui n’est pas mathématique contrairement à ce que l’on pourrait croire. Les chercheurs sont des êtres humains qui ont des interprétations qui diffèrent et qui doivent se mettre d’accord. C’était l’essentiel à (faire) comprendre. Bon, des controverses scientifiques, il y en a eu des tonnes avant la crise sanitaire, et celle-là n’est certainement pas la dernière, ce qui nous laissera l’occasion d’apprendre de nos erreurs, je l’espère.
Vous êtes également à l’initiative de The Conversation junior, dont le contenu est destiné à répondre aux questionnements d’enfants. Est-ce un public qu’il vous semble particulièrement important de toucher ?
Effectivement, nous tentons de répondre grâce à l’expertise de chercheurs à des questions d’enfants. Je suis toujours très étonné des questions brillantes qui émergent. Leurs questionnements sont étonnamment complets et parfois loin de l’innocence que l’on attribue à l’enfance. Je trouve cette action très importante car cela peut permettre de faire naître des vocations, mais au-delà, je crois que cela participe au développement de l’esprit critique. Et dans ce monde où même les enfants sont surchargés d’informations, s’il fallait « sauver » une information plus qu’une autre, c’est bien celle qui nous permet de comprendre « pourquoi et comment ». C’est d’ailleurs ce que je préfère dans mon quotidien de journaliste : comprendre comment le chercheur en est arrivé à telle ou telle conclusion, et surtout par quels chemins.