Vendée globe, route du rhum, transat Jacques Vabre et recordman du tour du monde en solitaire : avec un palmarès long comme le bras, François Gabart, ingénieur, est l’un des plus grands skippers français. Actuellement en direction de Fort-de-France en Martinique dans le cadre de la transat Jacques Vabre, le Mozart de la voile qui a bouclé le tour du monde en 42 jours est aussi un entrepreneur très engagé dans la recherche d’une mobilité plus durable. Portrait d’un skipper-ingénieur qui entend pratiquer la course au large avec le plus faible impact environnemental.
Rigueur, plan action et mise au point : trois compétences nécessaires au métier de marin… mais aussi à celui d’ingénieur. « On met souvent en opposition mon diplôme d’ingénieur et mon métier de marin, alors que pour moi, c’est parfaitement complémentaire dans le sens où le métier de marin est en grande partie un métier d’ingénieur. Que ce soit à terre ou sur l’eau, le marin doit traiter un nombre de problématiques qui relèvent de l’ingénierie. (…) Plus jeune, j’aimais la technique et j’étais curieux de comprendre comment fonctionnait le monde. À l’époque où j’étais à l’INSA, je ne savais pas que j’allais faire de la voile mon métier. (…) La voile est un sport mécanique, dont une bonne partie du travail consiste à développer et faire évoluer un bateau. Lorsque j'étais étudiant, le week-end, je bricolais mon bateau en appliquant les théories apprises pendant la semaine. C’était quelque part une application très concrète de mes études. »
Passé par la filière ingénieur entreprendre de l’INSA Lyon, il créait pendant ses études « Mer Concept », l’entreprise qui accompagne encore son activité aujourd’hui. « L’entrepreneuriat m’intéressait déjà et c’est d’ailleurs une compétence indispensable pour le métier de skipper. On ne devient pas marin en allant sur un bateau avec un CV… Il faut savoir trouver des sponsors et vendre son projet. Quand j’étais à l’INSA, j’ai créé Mer Concept, d’abord comme un outil juridique. Au fil du temps, je me suis aperçu que j’avais constitué une équipe autour de moi. Et puis, on se rend compte qu’une entreprise a une responsabilité sociétale et une responsabilité vis-à-vis des gens qui travaillent dans notre écosystème. Je pense profondément que l’entreprise a un rôle social, sociétal et environnemental à jouer et c’est pour cela que nous sommes devenus une société à mission. (…) Mon métier consiste à utiliser le vent pour se déplacer sur la planète ou battre des records pour mon cas. Je trouvais cela dommage d’utiliser ces compétences pour ne gagner « que des courses », entre guillemets. (…) S’est posé la question suivante : comment faire pour que la course au large puisse aider à faire progresser le monde maritime ? Mer Concept a pour objectif d’amener des transferts technologiques vers le monde maritime pour se déplacer plus efficacement. »
©Guillaume Gatefait
Peut-on être l’un des skippers les plus performants de la compétition et un navigateur écolo ? Pour François Gabart, recherche de performance et réduction de l’impact environnemental ne sont pas inconciliables. « On a la chance d’utiliser dans 99,9 % du temps le vent qui est une énergie renouvelable pour se déplacer mais il est clair que dans notre activité, la construction de nos bateaux a un impact considérable et direct. Il y a également beaucoup d’impacts secondaires liés à l’évènementiel comme le déplacement du public qui vient au départ d’une course par exemple. Aujourd’hui, on en est qu’au début de cette démarche. Des innovations commencent à se développer comme par exemple les outils de détections d’animaux marins ou l’utilisation du panneau solaire qui s’est bien démocratisée ces dernières années. À mon sens, la révolution du vol [grâce à l’utilisation de foils, NDLR] en course au large est une vraie rupture technologique dans nos bateaux et résulte d’une vraie évolution du bateau. On a essayé de faire mieux avec moins : on essaie de moins frotter dans l’eau, grâce au foil qui surélève le bateau sur le niveau de l’eau. Et j’ai bon espoir que cette révolution soit utilisée à d’autres fins que pour l’unique but de faire de la performance. (…) Sur un bateau, on est sur un système isolé. J’ai découvert la voile très jeune, avec mes parents et j’ai vite compris que si l’éolienne ne tournait pas, il n’y avait pas d’électricité le soir au repas. J’ai aussi pris conscience très jeune de la problématique des déchets car sur un bateau, on doit les stocker jusqu’à la prochaine escale : on s’aperçoit du volume des déchets que l’on génère… La voile, la mer m’a permis d’être confronté aux enjeux environnementaux très rapidement. Je crois que le bateau un très bon outil pour comprendre et faire face à ces enjeux (…) »