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Réseaux intelligents : une révolution au service de la transition énergétique

Peut-être la fin d’un monde et le début d’une nouvelle ère pour nos réseaux électriques ? « Pendant longtemps le réseau électrique a fonctionné sur un système de distribution direct et très centralisé. Aujourd’hui, il y a un changement net avec la multiplication des types de production d’électricité en particulier via la production d’énergies renouvelables et la multiplication des lieux de productions », explique Hervé Pabiou, chargé de recherche au laboratoire CETHIL (1). D’après une enquête parue en janvier 2025, la part du renouvelable dans le mix électrique européen a atteint 47 % en 2024, contre 34 % en 2019. Une évolution positive pour notre climat qui pose malgré tout des défis majeurs : le stockage et la distribution. Pour les résoudre, le réseau intelligent s’affirme progressivement comme une solution d’avenir.

 

Des réseaux intelligents pour gérer les déséquilibres

Flexible, fiable, accessible et économe, le réseau intelligent ou « smart-grid » combine de nombreux atouts et son intelligence lui confère la capacité de contrôler de manière harmonieuse les déséquilibres entre production et consommation. « Tout l’enjeu de ce type de réseau c’est de gérer l’équilibre entre production et consommation. Par exemple, lorsqu’il fait beau, on produit un maximum d’énergie, on la stocke pour le lendemain où le soleil sera moins présent », explique Hervé Pabiou. Et ce dernier de détailler : « on pourrait même envisager de convertir cette électricité en chaleur pour le bâtiment ou la stocker pour la retransformer en électricité » ; un procédé appelé « Power to heat to Power ».  

 

Depuis 2019, des équipes de recherche de l’INSA Lyon associées à celles de l’université Gustave Eiffel, du CNRS, de l’université Claude Bernard Lyon 1 et de l’École Centrale de Lyon travaillent justement sur un projet de réseaux intelligents appelé « Grid4Mobility » (3), une plateforme pour l’étude de systèmes énergétiques – intégrant des bâtiments, des systèmes de stockage d’énergie et des véhicules électriques – déclinée en deux démonstrateurs. L’un, situé sur le site de Transpolis dans le département de l’Ain, sera plus spécifiquement dédié à l’étude des mobilités électriques et sera opérationnel fin 2025. L’autre devra voir le jour au printemps 2026 à l’INSA Lyon. Installé sur les toits d’un des bâtiments du campus de l’école d’ingénieurs, le démonstrateur comprendra des systèmes de production d’énergies renouvelables (photovoltaïque et énergie thermique) et un réseau continu électrique pour gérer la distribution de l’énergie vers des systèmes de stockage électrochimique (batterie) ou thermique, vers des bornes de recharge pour véhicules électriques ou encore pour alimenter le fonctionnement de vidéoprojecteurs ou d'ordinateurs dans une salle de réunion. À la clé pour les chercheurs, une modélisation systémique de l’optimisation énergétique pour obtenir le meilleur comportement qui pourra répondre à de futurs usages.

 


La multiplication des types de production d'électricité posent deux défis majeurs : le stockage et la distribution. ©AdobeStock
La multiplication des types de production d'électricité posent deux défis majeurs : le stockage et la distribution. ©AdobeStock

 

La guerre des courants

Modéliser et optimiser ne suffira pas. La construction de réseaux intelligents demandera aussi de résoudre une autre problématique de taille : la coexistence de différents courants sur le réseau électrique. Aujourd’hui, la majorité de nos bâtiments sont équipés en courant dit « alternatif » (« Alternating current », AC), le standard de distribution d’électricité à grande échelle. À l’inverse, de plus en plus d’appareils modernes fonctionnent en courant « continu » (« Direct current », DC) comme les téléphones ou les ordinateurs. Les voitures électriques via le stockage d’énergie sur batterie fonctionnent aussi de cette manière et les panneaux photovoltaïques génèrent également de l'électricité en courant continu. « On va progressivement basculer vers du « DC » car cela n’a plus de sens de fonctionner ainsi », insiste Hervé Morel, Directeur de recherche au CNRS, chercheur au laboratoire Ampère (2), spécialisé dans les disciplines de l’électrotechnique, de l’électronique et de l’automatique (EEA). Et l’initiateur du projet Grid4Mobility, spécialiste des réseaux à courant continu de détailler : « On gagnerait également à utiliser ce système pour un meilleur rendement. Et surtout on pourrait réduire la quantité de cuivre utilisée ». Fin 2023, WAVE, le siège régional de VINCI Energies à Lille, a d’ailleurs montré que l’on pouvait s’affranchir du réseau électrique alternatif pour alimenter un bâtiment, sans courant alternatif et sans onduleur.

 

L’heure de la revanche aurait-elle sonné pour Thomas Edison, pionnier de l’électricité, industriel fondateur de la General Electric à la fin du 19siècle, grand défenseur du courant continu ? Une revanche dans la « guerre des courants » qui l’opposa à George Westinghouse, inventeur et ingénieur américain, apôtre du courant alternatif. 130 ans plus tard, dans un contexte d’urgence climatique et de transition énergétique, la vision et le génie d’Edison se voient finalement récompensés. Ses efforts et ses inventions ont même permis d'inspirer des solutions d’ores et déjà mises en place dès la fin des années 1980, comme celles du projet « IFA 2000 », une interconnexion France Angleterre à courant continu.

 

 

Des enjeux industriels et politiques

En attendant la généralisation du courant continu, la marche à gravir pour moderniser les réseaux est encore de taille. « La France a un peu de retard sur les réseaux intelligents mais nous n’avons pas le choix. Les derniers scénarios dévoilés par Réseau de Transport d’Électricité (RTE) montrent de toute façon une augmentation de la production et de la consommation électrique et les réseaux intelligents vont devenir essentiels. Il faut continuer à inciter à l’électrification aussi bien pour des usages industriels que pour les particuliers et dans cette dynamique de transition énergétique, Grid4Mobility apporte une vraie contribution. »

 

Pour franchir ce cap vers une nouvelle ère électrique, la Commission européenne estime dans son plan d’action pour la numérisation du système énergétique que l'Europe aura besoin d’un investissement de 584 milliards d’euros pour moderniser le réseau électrique d’ici 2030, dont 400 milliards d’euros pour le réseau de distribution, et 170 milliards d’euros pour la numérisation, y compris les réseaux dits “intelligents”. En attendant, tout retard dans l’électrification des usages impactera la trajectoire vers la neutralité carbone d'ici à 2050.

 

 

 

(1) CETHIL - Centre d’énergétique et de thermique de Lyon, unité mixte de recherche (UMR) de l'INSA Lyon, du CNRS et de l'Université Claude Bernard Lyon 1.

(2) AMPERE - Unité mixte de recherche (UMR) associée à l'Université Lyon 1, l'École Centrale de Lyon, l'INSA Lyon, et au Centre National de Recherche Scientifique (CNRS).

(3) Grid4Mobility est un projet financé par la région Auvergne-Rhône-Alpes, la Métropole de Lyon et le Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche (MESR).

"Regarder un atome le change, regarder un homme le transforme, regarder l'avenir le bouleverse. Le monde des hommes est un monde en accélération constante. Dans un univers où tout se transforme si rapidement, la prévision est à la fois absolument indispensable et singulièrement difficile."

Gaston Berger

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